lundi 21 décembre 2015

Elections régionales 2015


Villeveyrac, reflet d'élections régionales inédites et déconcertantes.

Texte : Daryl Ramadier
Photos : Laurent Garcia




Le Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (nom toujours à définir), résultant de la fusion des deux régions du sud de la France, entre en vigueur le 1er janvier 2016.. Un rassemblement qui en fait la deuxième plus grande au sein de la Métropole française, cinquième en terme de population (5.6 millions d'habitants) et de PIB (150 milliards d'euros) mais aussi troisième concernant le taux de pauvreté (17% de la population) selon les chiffres de l'Insee

Les élections régionales sont donc les premières de ce nouveau découpage. Le Languedoc-Roussillon et les Midi-Pyrénées appartenant au Parti Socialiste depuis 2004 et 1998, il s'agit de l'un des territoires que la Gauche ne souhaite pas perdre. Or les résultats du 1er tour mettent le toulousain Louis Aliot (FN) en ballottage favorable avec 31.83% des suffrages, contre 24.41% pour Carole Delga (PS) et 18.84% crédités à Dominique Reynié (LR).
La tâche se complique pour Delga lorsque Nicolas Sarkozy demande le maintien des candidats de son parti arrivés troisièmes. Elle doit s'en remettre à Gérard Onesta (Nouveau Monde En Commun, 10.26%) et compter sur le soutien du Maire de Montpellier Philippe Saurel (Citoyens du Midi, 5%) afin d'espérer l'emporter.

À Villeveyrac comme dans 20 061 communes, le Front National pointe en tête à l'issue du 1er tour (46.69%). Louis Aliot devance Carole Delga de plus de 33 points (412 votes), un net contraste par rapport à 2010 où France Jamet (FN) ne faisait que 13.56% alors que Georges Frêche (Divers Gauche) obtenait 35.39% des voix.

« Aujourd'hui, je vais voter contre »

Au second tour la participation a fait un bon en avant dans l'Hexagone. Ici, le taux d'abstention chute à 36.52% contre 48.66% une semaine auparavant et 48.91% il y a cinq ans. Lise fait partie de ces 26 millions de français à s'être déplacés pour glisser leurs bulletins au fond des urnes. « Je ne comprends pas ceux qui s'abstiennent, clame-t-elle. Voter est un droit alors il faut y aller, même si c'est blanc : tous les votes sont comptabilisés et considérés. »




À l'image de nombreux électeurs, elle s'est résolue à un choix par défaut au second tour parce que son candidat favori n'est plus là. Sans langue de bois et sans dévoiler le contenu de son enveloppe, elle ne cache pas ses intentions : « Personnellement je vais voter contre aujourd'hui. Il faut aller voter et ce serait bien que les français se réveillent ». Car l'enjeu politique dépasse largement nos frontières régionales et notre interlocutrice en a bien conscience : « La région est importante, il s'agit de notre vie de tous les jours et il faut qu'il y règne un bien-être. Mais ce vote a surtout une vocation nationale, si vous voyez ce que je veux dire ». Oh oui nous le voyons.




Une partie de la population déçue par le bilan des socialistes, une autre désireuse de faire barrage au Front National, encore une autre ne souhaitant pas laisser N.Sarkozy revenir sur le devant de la scène […] Les partisans de tous bords sont concernés et ont de multiples revendications, même si leurs candidats ne sont plus engagés.




Les votants ne cherchent pas forcément à mettre L.Aliot, C.Delga ou D.Reynié au pouvoir. Ils ne savent d'ailleurs pas toujours beaucoup de choses sur eux : « Je ne connais pas les programmes des élus régionaux, ni ce que représente l'union du Languedoc-Roussillon et des Midi-Pyrénées. Je n'ai pas d'avis à ce sujet » nous confie Lise, comme de nombreuses autres personnes croisées à quelques mètres des isoloirs.
Les résultats traduisent les conséquences indéniables d'une situation sociale déplorable, un « ras-le-bol général ». Les attentats du 13 novembre ont également changé la donne : « Il est évident que ce qu'il s'est passé à Paris a modifié beaucoup de choses. Pour certains, c'est la panique ».



Une élection importante

Au sortir des urnes, une autre électrice nous explique les raisons de sa présence : « Les femmes n'ont pas le droit de vote depuis longtemps, alors en tant que femme je me dois d'aller voter ». Et lorsqu'on lui demande si son but est de voter contre et par défaut, elle répond par la négative : « Je suis ici pour faire entendre ma voix et transpirer mes idées. Nous lançons un message : écoutez-nous davantage ! Le vote est important car aujourd'hui nous avons la sensation que la démocratie est devenue une oligarchie ».
Les appels à la mobilisation, elle n'en a pas eu besoin pour décider à se rendre à la Salle des Fêtes mais elle comprend ceux qui ne l'ont pas fait. « J'ai l'impression que les gens, et notamment les jeunes, ne se sentent pas concernés comme ils devraient l'être ».

Christophe Morgo, Maire de Villeveyrac et Conseiller départemental du canton de Mèze, nous rappelle l'importance de l'événement : « Les nouvelles régions ont d'énormes compétences, avec par exemple la levée des fonds européens ou tout ce qui concerne les transports. […] La région intervient dans notre quotidien. »




Lors de son élection à la municipalité en 2014, le taux d'abstention était de seulement 22.07% (soit deux fois moins qu'aux régionales). « Les gens ne se déplacent pas pour voter, nous explique-t-il. Ils viennent pour les municipales et les présidentielles, alors que toutes les élections sont primordiales. Aujourd'hui les citoyens connaissent le Maire, le Président de la République et malheureusement pas le rôle des autres collectivités. »

Il est conscient, lui aussi, que les français ont décidé d'adresser un message à leurs politiciens par l'intermédiaire des régionales : « Ils manifestent leur mécontentement par rapport à ce qu'il se passe. Mais il faut prendre beaucoup de recul, interroger les citoyens, savoir précisément pourquoi ils votent et pourquoi certains ne le font pas... Le nombre d'abstentionnistes est inquiétant ».

Des résultats tout sauf anodins

Si les résultats portent effectivement des revendications nationales, il faut les analyser de manière géographique et démographique. Montpellier et Toulouse, plus grandes villes de la nouvelle région, ont vu la victoire des listes de Gauche alors que le Front National arrive premier dans un grand nombre de villages. Pour le Maire, il est nécessaire de se poser certaines questions : « Ce sont aussi les médias qui interpellent les communes rurales, souvent il ne s'y passe rien d'inquiétant et le Front National est quand même en tête. Les journalistes ont peut-être une part de responsabilité. »




À 20 heures la France apprend que l'extrême droite ne remporte aucune région ; elle est néanmoins majoritaire à VilleveyracLouis Aliot décroche 50.07% des suffrages. Malgré une progression de 359 voix (contre +178 pour son adversaire), Carole Delga n'enregistre « que » 34.79% des voix.

Si la participation s'est élevée de 12 points (63.48%), elle reste nettement inférieure à ce que beaucoup souhaiteraient ; les dernières municipales et départementales bénéficiaient d'un meilleur taux. De l'abstention à la montée de l'extrémisme, diverses données interpellent et doivent faire réagir nos élites politiques. Qu'elle soit située à l'extrême ouest de la Bretagne comme entre les collines héraultaises, la population manifeste sa colère, sa frustration et son insatisfaction.




Les français sont déçus mais, comme nous l'a confié Lise, ce n'est pas forcément une raison pour ne pas se déplacer. Que l'on vote pour, contre ou blanc, « il faut aller voter ». Ces élections régionales ont tenu la France en haleine jusqu'à la révélation des résultats. Comme l'a déclaré Jean-Luc Mélenchon, ce fut « la campagne électorale la plus étrange depuis longtemps ». Elle marque les prémices d'une course à la présidentielle qui devrait s'achever en mai 2017... où nous serons là, une fois de plus, à la plume comme aux urnes.




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